De colère et de brume.

Une tempête faisait lourdement rage depuis plusieurs jours, une pluie torrentielle s'était abattue, l'orage grondait, la mer se déchaînait. Et au milieu de tout cela, un bateau luttait contre la tempête, rares étaient ceux qui osaient affronter les océans, et encore plus rares ceux qui le faisait pour une bonne raison. De tout temps, il y avait eu des explorateurs, mais ils finissaient engloutis. Ils tombaient dans les bras de la Déesse, comme l'on disait.

Les Macareux étaient un peuple insulaire, qui vivaient au sud de l'ancien continent, un peuple de la mer qui vivaient de rapines et chasse aux monstres. Et c'était justement ce genre de chasse qui avait éveiller la tempête. Une bête sombre et farouche était déterminée à poursuivre les marins. Un rugissement terrible faisait écho au tonnerre. Nul ne savait par où la bête frapperait.

L'eau ruisselait sur les écailles et les plumes d'un noir d'encre de la créature, ces dernières étaient parfaitement adaptées aux tempêtes et ployaient facilement là ou de la toile se serait déchirée. Elle prenait son temps dans cette chasse, et espérait donner une leçon aux chasseurs, les emmenant se perdre loin des côtes de leurs îles. Tout en vaillant à rester suffisamment loin des armes si dangereuses du navire.

Les vagues grossissaient quand elle se cabrait dans les vents, néanmoins, plus ils s'enfonçaient loin des terres plus la visibilité diminuait, et même pour une créature si puissante et adaptée à son environnement les choses se gâtaient. Elle aurait pu briser leurs mâts, déchirer la coque, mais cela serait se mettre inutilement en danger. Ran jouait avec eux comme un animal avec sa proie et elle se moquait bien des malheureux qui tombaient à l'eau et finissait probablement dévorés par les créatures qui se glissaient dans son sillage.

De temps à autre, la bête noire plongeait, elle avait tenté par plusieurs fois de renverser le bâtiment, entamant le bois de ses griffes acérés. Même si elle demeurait prudente, et replongeait aussi tôt pour émerger plus loin.

Une brume se faisait de plus en plus lourde, gênant sa respiration, et surtout sa vision, elle entendait des ordres aboyés en contre bas. Ils maîtrisaient son domaine, ils avaient vécu avec elle et ses caprices. Et elle savait qu'ils allaient tourner à l'offensive. Elle esquivait sans mal en prenant un courant ascendant, et se permettait même de fanfaronner un peu, s'arrondissant, les zones gravées sur ses écailles le long de sa colonne vertébrale s'illuminant, donnant un précieux indice sur sa position.

Ce qui ne lui permit pas d'éviter le second, une partie de la corde et du filet s'enroulait autour d'elle, tendis que le bateau s'éperonnait sur les récifs. Elle plongeait dans la mer sous un rugissement de colère, incapable de se maintenir en vol, se heurtant elle aussi aux rochers.

Lorsque la dragonne revenait à elle, elle se trouvait dans un trou d'eau, de l'eau jusqu'au poitrail, empêtrée comme rarement elle l'avait été, la corde s'enfonçant dans ses chairs. Incapable de s'envoler ou de retourner à la mer. La tempête avait cessé, il faisait même beau à présent et la brume avait disparu, elle jetait un œil dans la direction de l'épave et des naufragés, elle aurait tout le loisir de s'occuper d'eux plus tard, il restait trop de survivants à son goût.

Et par-dessus tout, elle ignorait bien où elle se trouvait, ce n'était pas Orynth, la ville qui se dessinait plus loin n'était pas en ruine, et elle ne ressentait nulle trace de sa magie. Elle se débattait farouchement tout en réfléchissant là où elle se trouvait, se piégeant encore d'avantage, quand un bruit attira son attention. Des bipèdes armés se rapprochaient, alors elle devait faire bonne impression, elle grondait, ses pointes dorsales se hérissaient, son corps se chargeait d'électricité, elle aurait volontiers claqué de la mâchoire, mais le filet rendait la tâche impossible et l'eau gênait le peu de mouvement qu'elle parvenait à faire. Si elle s'écroulait, elle pourrait peut-être même finir noyée..

À la lumière, ses écailles arboraient un bleu très sombre, de légères volutes plus claires striaient son corps, comme les reflets de l'eau sur le sable des fonds marins. Elle était d'une taille plutôt modeste pour une femelle, peut-être quarante-cinq mètres d'envergure, cinq mètres au garrot. Mais actuellement elle était surtout une proie facile.